lundi 18 juin 2007

Un p'tit dernier pour (avant?) la route

Et on se quitte avec un bel hommage, tout en finesse et sensibilité. Bravo, Neilo! On attend avec impatience les textes que tu écriras dans la voiture en allant à Bobigny...

Personne n'entend

Il y a le bruit des klaxons, les pneus qui crissent
les insultes des automobilistes qui fusent, dans l'air triste
les putes qui aguichent, qui crient leur réalité de sexe et d'argent moite
y a tous ces jeunes extasiés à l'ecstasy & la coke, avant d'aller en boîte
il y a, derrière une vitrine qui pue l'urine,
un mur de télés qui montre un monde en ruines
elles nous donnent des pubs pour des serpillières
des séries dosées de sexe, drogues, crimes et adultères
des pays dévastés par les guerres injustes,
lancées par le plus puissant des dégénérés de la terre
un autre écran, à côté, montre des macaques d'un autre race
qui sautillent, gesticulent et déblatèrent leurs rimes salaces
entourés de pétasses huilées en string qui dansent ou se prélassent
et attirent pourtant encore les regards des costumes trois-pièces qui passent
et dans tout ce bruit, personne n'entend rien

Il y a cette peur qui crie depuis l'intérieur
on montre du doigt la société rouleau compresseur
trouver une place ou s'en faire une
trimer pour une bonne retraite ou être heureux pour des prunes
avoir une longue carrière
prouver ce qu'on vaut, foncer, ne pas faire marche arrière
trouver un partenaire, partager le poids de la galère
ne pas mettre genoux à terre

Il y a toutes ces voix dans tous les sens
droits, devoirs, sans dessus dessousles questions sans réponses
ce que l'on sème en espérant la récompense
il y a cette pression qui comprime, qui perce les poumons
il y a les clichés, ce que nous sommes, ce vers quoi nous tendons
dans tout ce bordel, cette confusion intense
personne ne s'écoute vraiment

Il y a le soleil qui ose encore se lever, indécent
sur cette goutte d'eau qui tombe dans une baignoire de sang
il y a sa belle chevelure blondenoyée dans le temps en suspens
il y a sa détresse à elle dans l'eau, l'alcool, le sang et les médicaments
il y a ce mal de vivre résolu dans la mort
ce manque abyssal, inassouvi par les preuves d'amour
il y a des yeux qui pleurent
une réalité qui choque à coups de questions qui demeurent
il y a un choix qui ne cicatrisera jamais
les regrets de ceux qui ont essayé d'écouter
mais qui malgré tout l'amour donné n'auront pu empêcher
les mots énoncés de devenir veines sectionnées
puis il y a ce bruit de fond
imperceptible mais tellement présent
le murmure de ces deux yeux bleus implacables et profonds
qui nous regardent, apaisés et apaisants
ce n'est la faute de personne,
et elle espère que ça au moins, ceux qui l'aiment l'entendent.

Sean Poil (2007)

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