samedi 29 novembre 2008

Soirée slam du 20/11/08 - Rachel Marachel -

Les lèvres


Pleins d'histoires
Dans ma mémoire
A peine révélées déjà abandonnées
Chuchotées par des lèvres étrangères

Car j'aime observer les lèvres.


L'empreinte qu'elles laissent
Dans mon silence,
Lorsque les voix qui s'en échappent
Rebondissent sur moi,
Me carressent la peau
Ou me déchirent les yeux.

Toutes ces lèvres
Que les mots modèlent
Comme la mer et le ressac marquent
Monts et falaises.

Je connais bien ces lèvres là
Tendres et parcourues de ridules
Derrière lesquelles sommeille certainement
Le coeur d'une mère.

J'en ai vu aussi
Qui derrière une moustache
Cachent leur faiblesse,
Lèvres faussement bourrues.

Et voilà les lèvres talons aiguilles
Qui, sous un rose lisse et hautain disparaissent,
Montrant déjà l'angoisse
Que la jeunesse d'elles ne se lasse...

Mais les pires ce sont les lèvres clouées,
Qu'un coeur trop étriqué entrave,
Ces lèvres serpent qui ne savent que siffler
Et se saoûler de leur solitude.

Elles sont sourdes et aveugles
Aux lèvres qui sourient
Qui laissent lorsqu'elles se plissent
Entrevoir aux commissures un coin de ciel blanc.

Toutes ces histoires je les retiens,
Instantanées que j'épingle
Sur le tableau de mes souvenirs.

J'ai appris à lire sur les lèvres.

J'ai appris à lire sur les lèvres
Ce qu'elles n'oseront jamais dire
J'ai appris à écouter leurs histoires
Du bout de mon regard.

Dans mon silence elles s'épanchent,
Dans mon infirmité elles trouvent
Leur meilleur exutoire.

Car mon silence scelle leur secret
Son sans nom, sceau sans cire,
Sourire sans son,
Sagesse qui sait et se tait.

Mais mes lèvres aphones, elles
Ne diront pas leur histoire,
Mes tympans scellés, eux
N'entendrons pas mes cris.

Personne jamais ne lira sur mes lèvres
Le poids de mon âme,
Personne jamais ne devinera,
Les mots qui de ma gorge sont prisonniers.

Même pas ces lèvres que je croise tous les matins,
Et que je scrute sans relache.
Elles semblent douces comme un pétale,
Et parfois elles lèvent à peine le voile
Sur leur histoire en esquissant l'ombre d'un sourire;

Mais elles portent un monde
Qu'elles protègent jalousement
Une terre promise à laquelle je n'ai droit
Car je ne peux prononcer les mots magiques
Qui les feraient s'entrouvrir.

Le silence qui m'encercle
Est à la fois cocon et prison,
Une chrysalide pour enfermer un papillon
Dont on ne verra jamais la couleur des ailes.

Je reste là, je regarde toutes ces lèvres
Qui s'éloignent dans un ballet silencieux,
Et je ravale mes secrets au goût salé,
Je ravale mon histoire dans ma bouche à jamais scellée.

Puis je me fend d'un sourire généreux qui, je l'espère
Dévoilera un peu de moi à un regard qui le croiserait.

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