mardi 14 avril 2009

Soirée slam du 26/03 - Les Cacofoniks -



Rufus

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Rufus est un brave chien,
Elevé à la dure, battu s’il revient sans rien
Visage vide, bave en coin
Rufus tue quand il a faim
Un dissident ou un marmot
Egal une gamelle et un peu d’eau.

Une balle de neuf millimètres
Pour médaillon à mon collier
Dressé au bâton par mon maître
Je veille toute la nuit oreilles dressées

Rufus est l’alpha de la meute
Compagnon de l’Ak, pro du meurtre
Dents blanches qui grognent de haine
Pupilles noires drillées à l’acétylène
Alors que les bastos pleuvent
Et qu’un vent violent se lève.

Selon les estimations, il y aurait actuellement dans le monde plus de 250 000 enfants soldats prenant part à des conflits armés.

Je mène ma meute
Dans les rues agonisantes du village
Qui sue sa peur
Par ses fenêtres sans visage

Un canon d’occasion en bandoulière
Machette scotchée autour pour baïonnette
Il a connu les 2 côtés du barillet qui pèse plus lourd que lui
Et s’il est encore là c’est parce que même dans la boue Rufus brille

L’innocence brisée
Par la grisante violence
La pensée bâillonnée
Par des pourfendeurs de rêve, des dépeceurs d’enfance

Rufus a encore la peau douce de l’enfant
Mais les mains rêches,
Rendues calleuses par le poids de l’arme.
Ses talons creusent des sillons dans le sable
Qu’il rempli de douilles sous le recul de ses rafales
Le cœur enseveli
Sous ses balles rougies
Semant la terreur et son courroux
Comme le Petit Poucet semait ses cailloux

Les chefs de guerre cultivent leur addiction à la drogue pour être sûrs qu’ils reviennent au camp une fois le combat terminé

Teigneux de douze ans
Je rackette régulièrement les autres gosses du camp
Pour sniffer leur pot de colle
Parce qu’être stone quand tu presses la détente
Te fait oublier les flashes d’images parasites
Ces instantanés indélébiles pris en un clic clic de paupière

Des images,
Des images comme celles de ma mère,
Yeux et bouche pleins de terre
Immobile au détour d’un sentier,
Le ventre gonflé de vers et de semence étrangère.

Leur droit à l’éducation et à ne pas être séparé de leurs parents est totalement bafoué.

Des images
Comme le visage aux yeux surpris,
Au moment où il déchaînait son tonnerre amer entre ses deux rétines
Les photos de Rufus sont enfouies dans un album en noir et sang.

Rufus reste dans le rang
J’passe mes nuits à trembler en serrant les dents
Rufus règne sur son gang
J’pisse de peur parfois le long de mes jambes
Rufus règle ses crans
J’place ma mire et aiguise mes surins tâchés de sang
Rufus se fait respecter par les grands
J’ cache ma peur sous mon arrogance

Les enfants soldats s’engagent parfois dans les conflits armés dans l’espoir d’être logés, nourris et vêtus. On les envoie au combat car ils sont les plus intrépides.

12 ans et déjà vétéran
Petits bouts d’enfant en miette
Pantin encore poupée
A qui l’on a collé
Un fusil plus grand que lui
Ses yeux, depuis peu ouverts sur le monde
Sont embués par la révolte
Bouffis par les larmes de haine et de peur

Rufus le prédateur rampe entre les hautes herbes
Les entrailles tordues par l’angoisse.
L’iris en transe dans sa danse tribale
Viendra lui dicter où loger sa prochaine balle

Pris dans une embuscade, les Casque Bleus se sont vus obligés de faire feu sur des soldats de moins de 15 ans.

A cet instant suspendu, pendant cette attente atroce
Avant que les cris ne déchirent l’air
Tout est encore possible

Sa trachée s’enflamme,
Mes poumons brûlent sous les rafales de balles
La crosse d’un caïd
Contre ma mâchoire
Les dents qui claquent, les tendons qui craquent
Mes rétines crament dans la poussière
Rufus voit rouge
Libère l’animal en dedans
Et tente à bout de bras d’atteindre sa proie
Sous le menton, vers le haut
Entre les hémisphères du guerrier qui le traînait à terre.

La société n’a pas le droit de fermer les yeux.

Rufus ne doit pas fermer les yeux
Si seulement je pouvais fermer les yeux

Puis il ne reste plus rien
Seulement le sable qui emplit la bouche et les narines
Puis le silence tout à coup
Qui avale tout sur son passage

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